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REVUE  DE  LITTÉRATURE  ET  DE  CRITIQUE

Sommaire - Archives - Nous écrire- 


Revue en ligne de littérature et de critique, "Le Nouveau recueil" publie des textes de création, des études et des articles. Fondée en 1984, sous le titre "Recueil", rebaptisée "Le Nouveau recueil" en 1995, ce fut d'abord une revue "papier" publiée trimestriellement par les éditions Champ vallon auprès desquelles il est toujours possible de se procurer d'anciens numéros. ).
L'édition électronique a pris la relève de la revue papier en mai 2008.

Le nouveau recueil est dirigé par Jean-Michel Maulpoix.


Dernières parutions
mise à jour du 22 février 2024





L'amour s'accorde

par Jean-Michel Maulpoix

Je donne ici à lire le texte de la préface que j'ai eu le plaisir d'écrire pour le premier roman d'un jeune auteur, Quentin Biasiolo :

"Quelle sorte d’île constitue dans la vie plus ou moins morose d’un adolescent la naissance de l’amour ? Quel agrégat inespéré de minutes heureuses ? Quel contraste avec l’ordinaire des jours, et quel secret relief dans leur paysage ? Et, pour commencer, qu’est-ce donc que ce trouble, cette pulsation nouvelle du temps et du cœur ? Avec beaucoup de finesse, Quentin Biasiolo nous mène à travers le dédale de ces questions : son roman d’amour est aussi un livre de pensée : un travail d’analyste des conduites et des sentiments.
    C’est sur un fond de contrariétés ordinaires, principalement constitué par les rituels mesquins et les paroles déprimantes de la vie vulgaire, que vient se loger par une espèce de magie la naissance de l’amour : cette échappée splendide dont l’adolescence a le mérite de savoir compter les précieuses secondes sans en perdre aucune en chemin. Car l’amour a de ces façons, à la fois précautionneuses et enchantées, d’apparaître là où on ne l’attend pas… (lire la suite)


Tipasa II

"Tipasa" de Martine Attia

  

Coline Crance-Philouze, Le bruit de la mer est en ville

Coline Crance Philouze est née en 1989 à Nantes. Son premier recueil "Le ciel est gris et les oiseaux immenses" a été édité par Les Éditions du Carnet d'Or en juin 2022. Elle travaille actuellement à son deuxième recueil "Le bruit de la mer est en ville".

À travers sa poésie, elle explore la "sensorialité" des mots et les traces diaphanes entre le visible et l'invisible des souvenirs. Elle crée sa propre temporalité des lieux, là où l'intime ose s'offrir à nous. Elle invite à un voyage des sens où le crépuscule est toujours enfant de la lumière.







La voie du large
Couverture : Caroline François-Rubino

Michèle Finck, La voie du large, Arfuyen éditions.
Par Jean-Michel Maulpoix

Mallarmé, Rilke, et d’autres l’ont dit : écrire suppose de se retrancher. Vivre de peu, comme celles qui naguère répondaient à genoux à l’appel de la Vocation, dans la pénombre d’une chambre exiguë aux meubles rudimentaires. C’est par « une apparence de soupirail » que parfois un grand jour s'infiltre. A travers cette solitude et ces volets fermés : « écrire : l'unique brèche d'une vie sans échancrure ». Il faut aux poèmes une chambre, peut-être même la plus étroite, pour que le large s'y entrouvre, que la langue y prenne son élan, qu'elle aille parmi les rythmes, les sons et les musiques, en direction de l'inconnu. Cap au large ! Un mouvement la conduit que Michèle Finck résume simplement : « je cherche l'âpre ébauche ». De quoi ? Qui pourrait le dire ? S’agit-il de pousser un peu la porte du silence ? D’entrer dans le mystère de cette majuscule de plomb que Baudelaire met au mot Douleur ?  De toucher la plaie de vivre ? Il y a dans l'écriture, comme dans la peinture, ce besoin de glisser les doigts dans la plaie, afin de s'assurer, dans le clair-obscur de son propre effroi, que demeure peut-être un peu d’espérance…(lire la suite)






Le chien de Goya
 




Voici quelques poèmes de Mario Tomai (pseudonyme de Mario Pezzella) traduits de son premier recueil Il cane di Goya (Le chien de Goya, Rome, Efesto ed. 2020), précédant immédiatement la suite que nous avions présentée ici même il y a un an.

On se reportera à la Notice publiée alors, en y ajoutant Trascorrendo (En parcours, id. 2023).

L’auteur a vécu à Paris où il a obtenu un doctorat de philosophie ; il a enseigné l'esthétique du cinéma à l’Université et à l’École Normale Supérieure de Pise. Il dirige la revue Altraparola, en ligne et papier, où il publie ses traductions de Paul Celan, René Char et Jean-Charles Vegliante. 


 




chat alors

A l'instar de Flaubert ou de Mallarmé, il se pourrait que tout écrivain "digne de ce nom" porte en lui la chimère d'un livre impossible : celui  où viendraient s'inscrire l'idée-mère et le tout désirable de son écriture...

Pour André Vandevenne qui a déjà donné ici même Pérouse, une après-midi avec Molly, et Lenno, Hôtel Sans Giorgio, ce livre impossible serait une quasi épopée, son "Ulysse" dont il ne publie pas ici le texte même, mais la "Préface" qui en éclaire le cheminement. L'idée m'a paru judicieuse et puissamment "apéritive" : publier la préface d'un livre auquel à ce jour nul n'a accès.

Le chat attend face à la fenêtre : avis aux éditeurs...


Courbet


Alex Pierre Andrew Delusier est né en 1998. Professeur de Lettres classiques en Bretagne, il est de même poète et écrivain, auteur notamment de Bru (2017), des Temples crépusculaires (écrit avec Alexis Artaud, 2018), et d'une traduction d'Erec et Enide (L'Harmattan, coll. "Poésie(s)", 2023). Il fait paraître bientôt un roman aux éditions Les impliqués, Le Fourvoyeur ou La fabrique de la fiction.







Autoportrait

Raymond Mitaine, Autoportrait


Raymond Mitaine est à la fois peintre et poète, et c'est au plus près l'une de l'autre, comme en témoigne ici « Ut pictura poesis, ut poesis pictura », qu'il rapproche poésie et peinture, deux pratiques qu'il ne réunit pas seulement sur le papier mais aussi à travers ses actions de scénographe et ses compositions dramatiques, ses ateliers, ses mises en scène…. Il confie : « J’aime les contacts, et chaque fois que j’ai « œuvré », c’est à l’occasion de rencontres. Je peux même affirmer que, si je crois encore à l’âme, je ne la situe pas dans une insondable intériorité, mais dans l’espace extérieur de la relation, que ce soit avec autrui ou avec le monde, qu’elle soit d’ordre intellectuel, sentimental ou sensoriel. Si je peins ou si j’écris, c’est pour rejoindre le réel ; je dirai même que j’ai besoin de la médiation de la peinture ou de l’écriture pour avoir prise sur lui, pour me sentir exister. C’est pourquoi la traversée de l’abstraction, qui m’a beaucoup coûté (mais pouvais-je m’en abstenir dans les années 70/80 ?) n’a jamais impliqué pour moi le déni de la figure, et qu’elle m’a reconduit à travailler « sur le motif ». Mais « l’imitation » de la nature n’est pas un « esclavage » ; la prégnance du réel est au contraire une source de surprise qui rafraîchit la création plus sûrement qu’une introspection.  Il n’y a donc aucune raison que je n’ouvre pas portes et fenêtres pour faire pénétrer dans le « château de l’âme » - qui n’est peut-être que l’entrepôt u hasard - le souffle de l’extériorité ; mais l’ordre, que la prosodie m’a permis d’imposer au flux chronologique de l’existence, me donne à penser que le rythme (et par conséquent le nombre) a le pouvoir de donner au hasard le visage d’un dieu. C’est pourquoi au journal j’ai préféré le poème, auquel j’ai donné le titre de « Templum Temporis » .
 
(lire la suite et accéder à l'ensemble de la publication)... 




L'obscurité

  •  Lionel Bourg, « L’obscurité », illustrations d’Olivier Jung, Fata Morgana 2023, 48 pages, 14€

par Carole Carricarrère



À la racine du texte il y a un enfant solitaire qui source du fond des âges en ravalant ses larmes et culottes courtes ; ce regard cru que l'on pose sur soi, et sur le décor, depuis un point de non retour ; des géodes fossiles, des gnomes et des pères qui grommellent à bas bruit dans la grammaire ; la fonction de la lecture et de l'écriture fusionnant dans un acte salvateur de transmutation instantanée.

Des chemins noirs traversent cinq chambres d'écoute et crissent sous les semelles de glaise de la vie qui dérape.

Il y a colère des chagrins qui collent à la peau et de l'amour à revendre.

Des scènes en boucle qui battent la campagne où d'anciens volcans, gardiens du feu, sommeillent. (Lire la suite...)



Carole

Grand Oui Vert, Réfraction du Poème II
Carole Darricarrère, 2022



  • Alexis Audren, « Bigarrures, bariolages », dessins de Philippe Cognée, éditions Æncrages & Co 2023, 58 pages, 21€

par Carole Darricarrère

La première chose dont l’œil en couverture se saisit, noir sur blanc est un nid : reading with the right side of the mind équivaut à « regarder avec de moins en moins de mots » les oiseaux apparaître à tour de ciel un à un, sinon off sight shading away de mémoire dans le temps long du Poème, des becs qu’il ne resterait plus aux mots qu’à barioler - bigarrer de biffures des becs.

Pour autant rien de moins sûr, les dessins de Philippe Cognée s’avérant résolument vibratoires, du corps éthéré d’un nez, d’une bouche, un œil de profil résolument lacérés de noir, surgiraient de but en blanc comme autant de souvenirs optiques une surimpression de volatiles, pupilles d’une grêle de plombs, chaos sous la cognée d’une idée en tête, synthèse vibratile du travail de langue d’Alexis Audren, tango d’un combat avec la figuration - seul « emporté dans [un] vert » étal, le titre, « perspectives ouvertes jusqu’au jardin du dedans ». (lire la suite...)








De mémoire et de vent


Peut-être des lis

Judith Chavanne, De mémoire et de vent (éd.L'herbe qui tremble), Peut-être des lis (éd. Le bois d'Orion).

par Jean-Michel Maulpoix


Judith Chavanne a récemment publié aux éditions L'herbe qui tremble De mémoire et de vent, avec des peintures de Caroline François-Rubino. L’an passé, elle avait fait paraître Peut-être des lis, au Bois d’Orion, émouvant hommage à la figure de la mère qui s’efface. Dans ces deux livres, comme dans les précédents, je retrouve le toucher de langue particulier d'une pensée sensible : émotion, rêverie et réflexion s'entrelacent, étroitement nouées, et c'est ainsi sur le papier une troublante présence qui s'établit, celle d'une voix proche, qui dit « tu » volontiers : la simplicité du poème. Et c'est une sensation de langue particulière que le lecteur partage, comme le désengourdissement d'une chair meurtrie, que soit évoqué, comme dans Peut-être des lis, la fin d'un proche, ou simplement observés des mouvements de lumière au jardin qui sont aussi bien des mouvements de mémoire, ou les visages et les paroles d'un enfant qui grandit…


Il y a, chez Judith Chavanne, une précision du trouble, une méticulosité de l'hésitation, une manière d'approcher avec une ferveur « surattentive », inquiète et bienveillante à la fois. La parole est toujours dépouillée : aucune emphase, aucun pathos. L'émotion est d'autant plus vive qu'elle demeure retenue, logée parmi des détails concrets, des observations fugitives, des silences… « Juste de vie, juste de voix » : on se souvient que ce fut le projet de Philippe Jaccottet, et c’est ce qu’accomplit Judith Chavanne dont la parole s'impose précisément par sa justesse, autant que par sa manière de rendre justice aux êtres, aux moments de la vie, aux circonstances et aux objets. Son écriture est toute en discrétion, attention, éclosion, délivrée des pesanteurs et tournée vers l'autre ou vers le dehors, à la fois offrande et cueillette, façon de donner et de recevoir… Il y a ainsi pour le poème une manière de penser sans se passer du monde, de se tenir auprès des êtres, au plus près de leur présence.

Ecrire de la poésie peut-être une façon d'aimer dans la langue, puisque la poésie est la forme de l'attention et sa musique. C'est comme frapper discrètement quelques accords sur un clavier avec des couleurs et des souvenirs, des mouvements de feuilles et de fleurs dans la lumière, des inflexions de phrases. C'est aussi bien une manière de tendre l'oreille, quand « avec le temps s'approfondit l'espace de résonance ». L’écoute s'est rendue sensible à la mélodie des choses ; il y a partout des voix endormies que la poésie réveille.






étude
                                    d'éloignement
  • Emmanuel Moses, Etude d'éloignement, éditions Gallimard
par Jean-Michel Maulpoix

   Ce nouveau livre de poèmes d’Emmanuel Moses aurait pu avoir pour titre « Les choses de la vie ». Mais il s’intitule « Étude d’éloignement ». Entendu au sens strict, c'est un effort méthodique d'application de l'esprit cherchant à comprendre et à apprendre ce que sont les choses de la vie, dans leur fugacité. On y prend en chaque occasion la mesure des distances et des défaites. On y observe avec tristesse que la solitude chaque jour gagne du terrain. C'est le possible qui se réduit et l'impossible qui s'accroît. La vie a des cadences inexorables. Elle est une affaire de chemins qui s’éloignent et se perdent dans les lointains.

    Avec une patience, une simplicité et une sagesse de vieux poète chinois qui a beaucoup lu La Bruyère et sait reconnaître les fâcheux, Emmanuel Moses multiplie dans ce livre des études pareilles à de petits tableaux ou de simples croquis. Ce sont des scènes de vie qui ont parfois des allures de conte ou d'apologue. Mais ce sont aussi des regards qui se perdent au loin, des fugues qui tracent en poèmes leur chemin de musique, tandis que circulent là-haut de « petits nuages luisants et noirs ». Les souvenirs, bien sûr, font partie du voyage. « Tout est frontière », depuis toujours. Et le courant nous emporte. On cherche, on appelle, on oublie. Les liens sont fragiles. Au cœur du livre, un long poème en vers libres donne la parole à un musicien de jazz qui raconte à grands traits, comme on s’enivre de vin, la déchéance de sa vie sauvée du rien par la musique.

    Ces poèmes nous parlent à l’oreille. Chacun a quelque chose à nous dire, sans jamais prendre un air savant. N’est-ce pas étrange, cette façon qu’a la poésie de confier à une voix singulière le soin de découvrir des choses communes à tous sur un ton familier, ou, pour le dire autrement, de donner à tous la tristesse de chacun à partager ?
(télécharger le PDF de cette note)




aller
  • Jean-Marc Sourdillon, Aller vers, éditions Gallimard.
par Jean-Michel Maulpoix

En lisant Aller vers de Jean-Marc Sourdillon, je songeais à ces mots d'Arthur Rimbaud : « c'est la mer allée / Avec le soleil ». Et pourtant ce n'est pas d'éternité que nous parle ce livre, mais de présence, d'une présence « pareille à un oiseau que ses ailes déchirent ». On comprend que cet oiseau-là n'est pas fait pour l'envol mais pour un chant qui monte dans les broussailles, pour une présence terrestre…

Qui s'en va ici ? Quel est cet « aller vers » qui donne son titre à ce livre de poèmes ? C'est le bond libre d’un animal sauvage dans la pénombre, ou le pas du marcheur qui l’a surpris ; c’est l’aujourd’hui, et c'est aussi bien le vers lui-même, et en lui la voix d’encre qui cherche la chair et qui appelle, la voix tendue sur le fil même des vers, en direction d'un visage, d'un corps, d'un sens, d'un être, d'une femme aux épaules nues qui porte un nom de rivière, la Seine toute proche, ou encore de ce grand autre lointain qui pourrait être Dieu si l’on n’avait perdu la trace de l’ange.  N'est-ce pas toujours en cet autre inconnu qu'il faut aller boire et découvrir sa propre vie en dépit de la distance et de l'éloignement ? De sorte qu'ici le chant du poème devient « la forme de la distance », la danse même de la pensée, et le mouvement vers du sujet. Alors ne cherchez pas à mettre à tout prix un nom sur la destination ou le destinataire : « tu » reste pour toujours une énigme, ou le champ des possibles, ou la clarté d'une lampe. (lire la suite...)



Clédat par
                                  CD

Françoise Clédat, Les Parentés Inhumaines 
Tarabuste éditeur, mars 2023, 127 pages, 15€

par Carole Darricarrère

Au royaume de l’excellence, sagesse rime avec tristesse ; modèle de rigueur, d'exigence et de précision, écrire et lire comme s'enfoncer dans l'âge est un défi et une ascèse. Toute pudeur refoulée sera restituée en lettres de noblesse. Au commencement de la fin du monde le thème du confinement ouvre le bal : poètes, vos papiers ! Françoise Clédat s'en empare comme d'un objet métaphysique, avec subtilité, méthode et pondération. En prose comme le motif s'y prête, elle pose le cadre. Entre dans le désert tête haute. Y trouve matière à penser le corps et se penser. S'ouvre aux signes qui récompensent les pénitents. S'arrime au langage de la Nature et aux greffons des références. Concentre son pas, son souffle, sa dictée. S'accorde au temps long des exégèses. Convertit le plomb en lumière. (lire la suite...)



livre d'or

  • Gwen Garnier-Duguy, Livre d’or (Postface de B. Lacarelle, Illustr. de couverture R. Mangú), Mont-de-Laval, L’Atelier du Grand Tétras, 2023, 94 p.
par Jean-Charles Vegliante

Voici un nouveau livre de Gwen Garnier-Duguy, impeccablement édité par l’Atelier du Grand Tétras, sous le titre d’apparence célébrative Livre d’or. Il s’agit une fois encore de « chanter oui, mais chanter quoi ? » alors que le rocher accablant de Sisyphe use et épuise qui a un travail banal « déjà pas à la portée / de tout le monde », malédiction et « signe d’un appauvrissement de notre esprit ». C’est là un pan au moins de la poésie récente de Garnier-Duguy, suspendue – mais avec assurance – entre merveille ancienne, d’une nature océane survivante, et constat perspicace, sarcastique parfois, de notre condition présente ; entre forêts ou sylves d’étrange « profondeur » et « train-train » quotidien recouvrant une possibilité de rédemption secrète, « visible à l’œil nu si nous donnons à cette expression le sens d’une capacité à voir les vertus bienfaitrices d’une aura sur le monde’. Le rythme long, bien sensible dans cette dernière citation, s’apparente davantage à celui des versets anciens, peut-être bibliques ou claudéliens, qu’à l’espèce de prose versifiée aujourd’hui dominante. (Lire la suite)




arbre


Adele Rugini

« Lotta di classe », poèmes inédits (2023)

traduction de Gabriel Meshkinfam
Doctorante de philosophie entre Rome et Paris, professeure assistante à l’USI (University della Svizzera Italiana) mais aussi artiste, Adele Rugini ne se considère pas comme une poétesse de métier. Et pourtant, vingt fois elle y remet son ouvrage, donnant à lire des petits fragments de cette vie privilégiée qu’elle soutire à la grande machine du monde. Variés dans leur approche et dans leur ton, ses poèmes ont pourtant tous en commun de constituer une sorte de basse continue : nous avons toujours affaire à une poétique d’amore e di terra, pour reprendre l’expression du poète Franco Arminio. Très attachée à son petit village d’Ombrie auquel elle ne cesse de revenir, Adele Rugini fait du vers le lieu du conflit entre le monde des livres et celui de cette parole léguée par les hommes et les femmes qui l’ont élevée. Mais cet affrontement laisse parfois place à une autre lutte, celle des corps qui se nouent et se dénouent au gré de la nuit. Les textes donnés à lire ici, dans leur version originale et leur traduction, sont inédits. (lire  les poèmes)



Robin Robertson



(Traduit de l’anglais par Geoffrey Pauly)


Né en 1955, Robin Robertson a grandi sur la côte Nord-Est de l’Ecosse avant de s’installer à Londres. Il a travaillé successivement aux éditions Penguin Books, Secker and Warburg et Jonathan Cape. Plusieurs fois primée, sa poésie joue avec le récit et la narration en donnant à entendre de multiples voix de conteurs qui colportent tour à tour des légendes, des anecdotes, des racontars. Grimoire, présenté comme un ensemble de « nouveaux contes folkloriques écossais », est paru en 2020 aux éditions Picador.



Friedrich
  • Quentin Biasiolo, Arias (extraits)

Ancien élève de l’ENS de Lyon et agrégé de philosophie, Quentin Biasiolo a soutenu une thèse sur l’amour à l’épreuve du temps et il enseigne en classes préparatoires. Après Restes, premier livre de poèmes paru chez "L’Amourier", il travaille à un second recueil intitulé Arias – chants ou élégies d’une voix solitaire, odyssée d’une conscience à l’intérieur d’elle-même.








Ried

Nathalie Ried est née en 1967 à Paris. Ancienne élève de l’ENS de Fontenay-St Cloud, agrégée d’anglais, elle s’établit à Marseille en 2006 et enseigne en classes préparatoires.
Séduite par l’univers de la poésie en prose, elle est notamment éblouie par les écrits de Paul Valéry et de Philippe Jaccottet. Attentive à sa propre sensibilité, et à la recherche d’une expression poétique, elle commence en 2021 à rédiger des textes, en anglais d’abord, puis en français.
« Sens de la visite » est une suite de courtes proses inspirées par des lieux, des oeuvres, ou des sortes de rêves éveillés.
Tout en poursuivant l’écriture de cet ensemble elle explore d’autres thématiques.



Carole
                                  Darricarrère

"De l’eau, un flux, beaucoup d’eaux ruissellent dans les interlignes, une saturation de suints, flaques, lacs, reflets, fleuves à l’envers dans une coquille de noix, larmes & rivières, innerve le récit.

Sur ce substrat éminemment matriciel, les bois flottés d’une partition perméable de sonates lisztéennes comme autant de consolations : recensions, digressions, rêveries, fragments du vivre, du voir, d’aimer, de chagrins, accostages, petites morts & grandes initiations, nostalgies, solitudes, délitements et toute une botanique au fusain de reliefs, plateaux, chemins de halage et d’altitudes fleurant bon le conte, la sueur et la besace de cuir, s’accordent à se ramifier jusqu’à dessiner la carte du tendre de quelque Sisyphe poussant patiemment sa phrase au sommet de la Qualité, se faisant cautérisant pas à pas tout ce qu’en surplomb elle embrasse comme au travers d’un coton d’éther : l’enfance, la révolution des sentiments, la douleur – such moody waters. " (lire la suite...)







La Bible de ma
                                  mère
  • Emmanuel Godo, La Bible de ma mère, éditions de Corlevour / Revue Nunc
par Jean-Michel Maulpoix


    Solitaire, le poète ? Pas si sûr ! Même seul, il est nombreux. Il porte un monde. A l’image de la Bible de sa mère, emplie de souvenirs, d’images, de petits papiers glissés entre les pages : une Bible à « la couverture griffée » et dont le cuir a pris avec le temps « des couleurs de pierre et de bois peint », mais devenue pareille à « une sorte d’arche » où est venue se loger au fil des années la mémoire d’une famille…
    Emmanuel Godo la parcourt, la visite, y circule dans sa propre vie et celle des siens. Chaumon-en-Vexin : c’est là que s’est ouvert le chemin d’une enfance dont on pourrait croire que rien ne s’est perdu tant les détails en sont rassemblés avec une précise et tendre minutie dans ce  livre où s'entrelacent autobiographie et poésie. Et c’est ainsi à la fois une vie personnelle et un monde qui se dessinent, une famille et une époque, une identité et un milieu social. Ce sont des moments, des âges, des rendez-vous, des rires et des larmes.
    Seul, le poète ? Non ! Quand il écrit, les autres sont là : « On dit que les gens heureux n’ont pas d’histoire, qu’on n’écrit qu’avec des plaies, des névroses, des cris rentrés, des désastres. Mais les étoiles tombées donnent encore de la lumière. »




Giudici


"L’œuvre de Giovanni Giudici ne semble avoir vraiment passé les Alpes qu’une fois : le 4 avril 2002. Introduit par Carlo Ossola dans son séminaire au Collège de France alors consacré à l’œuvre de Dante et à ses relectures, le poète y était notamment invité pour évoquer le Paradis et la “satire dramatique” qu’il en avait tirée une dizaine d’années plus tôt (Il paradiso : perché mi vinse il lume d’esta stella : satira drammatica, 1991). Mais, même si son intervention n’a pas été enregistrée, on sait qu’il y parla surtout de sa propre poésie, comme l’indique le titre de la conférence : « La vita in versi. Histoire de mes poèmes ». Pour l’occasion, Bernard Simeone, grand traducteur des poètes italiens (Caproni, Serini, Raboni, Luzi), avait proposé une traduction de quelques poèmes de Fortezza (1990)1. Depuis, à notre connaissance, plus rien..." (extrait de la présentation)....




La double clarté


Ces poèmes de Mario Tomai (pseudonyme de Mario Pezzella) sont tirés du recueil Trascorrendo, en cours d’édition. Ils font suite à un premier livre de poésie, Il cane di Goya (“Le chien de Goya”, Rome, Efesto ed. 2020). Sous son nom, l’auteur a publié plusieurs volumes d’essais, influencés par la pensée de Walter Benjamin sur le cinéma et la littérature et par La Société du spectacle de Guy Debord. Il a vécu à Paris où il a obtenu un doctorat de philosophie auprès de l’EHESS et un DEA en Réalisation Cinématographique à l’Université de Nanterre, sous la direction de Jean Rouch. Il a enseigné Esthétique du cinéma à l’Université de Pise et à l’École Normale Supérieure de Pise. Parmi ses publications : La concezione tragica di Hölderlin (Il Mulino 1993), Il narcisismo e la società dello spettacolo (manifestolibri 1996), La memoria del possibile (JacaBook, 2009), Altrenapoli (Rosenber&Sellier 2019). Il dirige la revue Altraparola, où il a publié ses traductions de Paul Celan, René Char et Jean-Charles Vegliante. 

Nous remercions Ruggero Savinio pour avoir autorisé la reproduction de son œuvre La nymphe Écho, 1980). 



Pérouse
Cette nouvelle étape italienne d'André Vandevenne donne à lire un poème considérablement accompagné de notes. Le lecteur pourra s'en étonner. Il les lira, ou non, à sa guise. Mais il y a là comme une espèce nouvelle de poème , solidaire de sa chambre d'échos. D'où sont-elles venues ces images, ces fusées lyriques: de souvenirs, de lectures, de films vus naguère? Ce n'est pas un superfétatoire mode d'emploi qui nous est proposé, ce sont les échos de sa genèse et comme un hommage de l'auteur à toute la matière mémorable qui l'a nourri. Il s'en explique dans le texte ci-dessous...



lac de Côme
Il m'a semblé que je comprenais mieux, en lisant ce poème d'André Vandevenne inspiré par un séjour dans un hôtel d'un lac italien, la raison d'être et la nécessité de la césure poétique (autant dire du vers et de  la coupe) : favoriser les télescopages, les courts-circuits qui amènent au contact l'un de l'autre le perçu et le senti, ou la mémoire des livres lus, la pensée et l'immédiateté... N'est-ce pas ainsi que vit et s'électrise poétiquement l'écriture ? Les blancs et les ellipses renforcent l'acuité de la langue et aiguisent le désir. Ainsi peut s'écrire l'amour.



Elias Levi Toledo
Elias Levi Toledo est poète. Né à Mexico en 1999, il arrive en 2018 en Alsace pour faire ses études en Lettres Modernes. Depuis son arrivée à Strasbourg, il n’écrit que de la poésie en français. Il a publié dans la revue Europe ainsi que la Revue Alsacienne de Littérature et contribue par des recensions à Recours au poème. Ses poèmes Parle l’étranger et Chant pour une mélancolie heureuse ont été retenus parmi les 10 finalistes du Prix Louise Weiss 2021 et 2022 respectivement. Il rédige actuellement un mémoire de master sur la portée éthique de l’autoréflexivité dans l’œuvre de Francis Ponge. Il dirige également Au Pied de la Lettre, la revue de création étudiante de la Faculté des Lettres de Strasbourg. Son premier recueil, Poèmes pour un poème, est à paraître.


Grand-monde
Dans cet article, Guillaume Curtit rend compte de deux ouvrages d'Aurélie Foglia qui est  maître de conférences à l’Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle et poète.
Sous le nom d’Aurélie Loiseleur, elle a consacré ses premiers travaux de recherche au romantisme.
Sa thèse a donné lieu à un livre, L’Harmonie selon Lamartine, utopie d’un lieu commun (Champion, 2005), et elle a consacré de nombreux articles à Hugo, Vigny, Baudelaire, Flaubert, Rimbaud ou Verlaine, entre autres.
Elle est l’auteure d’une “Histoire de la littérature du XIXème siècle” dans la collection 128 (Armand Colin, 2014).




Gregory
                                  Rateau

Poète et écrivain français né en 1984, Grégory vit actuellement à Bucarest où il dirige le seul média en français entièrement consacré à la Roumanie et travaille pour la Radio roumaine internationale. Son premier roman, Noir de soleil, est paru aux Editions Maurice Nadeau, il est également l'auteur d'un récit de voyage, Hors-piste en Roumanie. Il contribue avec sa poésie à deux anthologies du Printemps des poètes 2021 et 2022, à un livre d'art, Poème païen, à l'Oeil de la Méduse et à plus d'une vingtaine de revues en France, en Suisse, en Belgique, en Roumanie, au Québec, au Portugal. Son premier recueil, Conspiration du réel, est sorti au mois d'avril de cette année chez Unicité.





le dernier voyage

par Jean-Michel Maulpoix

En lisant Le dernier voyage de Salomon Martcher, je me suis demandé : n'est-ce pas cela le vrai de l'amour, cette espèce d’énigme où une perpétuelle quête de la présence est sans cesse mise à l’épreuve de la distance ? Dans cette affaire compliquée de séparations et de retrouvailles où nul ne sait véritablement ce qu'il cherche, chacun construit pourtant tant bien que mal sa figure et son histoire à travers un temps qui file et s’épuise. L'amour est un voyage, peut être le seul qui mène au bout de soi en posant la question de la vie tout entière. Avec beaucoup de soin et un sens très juste de la phrase qui accroche les détails et ménage les lignes de fuite, Karen Haddad nous entraîne ainsi à la poursuite de l’irrattrapable, parmi les espérances, les doutes, les déboires, les frustrations, les hantises, les joies éphémères et les menus gestes d’un couple improbable. Ses deux principaux personnages, Marianne et Salomon Martcher, portent en eux leurs fantômes et sont comme enveloppés d'une sorte de brume par la voix même de leur auteur. (lire la suite)


Michel Deguy
  • Michel Deguy , 1930-2022
En hommage à Michel Deguy qui vient de disparaître et qui fut à la fois un ami et un collaborateur fidèle de Recueil puis du Nouveau recueil, deux revues auxquelles  il a souvent contribué, nous proposons ici de relire une étude et un entretien :


hommes-nuages

par Jean-Michel Maulpoix
 

Dès le premier texte de ce qu'elle désigne elle-même comme son « journal-poème », Michèle Finck annonce clairement son projet et le risque qu'elle a décidé de prendre : « s'exposer », « lever les censures intérieures », « composer une autobiographie anonyme », en écrivant « pour un homme qui a été incarcéré sous camisole chimique ». (lire la suite...)




Anniversaires
  • Baudelaire, Flaubert, Dante, anniversaires
Giovanni Raboni, Baudelaire (e Flaubert). La carne si fa parola, Turin, Einaudi, 2021 – 115 p., 15 €.
par Jean-Charles Vegliante
Peu d’écrivains, singulièrement les poètes, résistent aux trop fréquentes célébrations de leurs anniversaires. Si leur existence terrestre a été courte (Leopardi, Rimbaud, Keats, Apollinaire…) les récurrences de naissance et de mort peuvent se succéder à une vitesse étourdissante, offrant aux éditeurs et autres consommateurs plusieurs occasions de bénéfice par an. Les gens achètent, ne lisent pas toujours. La lassitude peut menacer les auteurs d’œuvres moins prolixes, sans parler de ceux que l’air du temps semble avoir désertés à tout jamais. Quant aux dates, l’italien Dante Alighieri (1265-1321) se situe dans une fourchette moyenne, 56 ans, juste assez pour qu’un amoureux de son art ait pu assister à la double opportunité de commémorations récente. Et en effet, une première Pléiade, datant de 1965, vient d’être redoublée d’une réédition de la seule version de sa Comédie par Jacqueline Risset, en cet automne 2021 : reprise accrue, il est vrai, d’un abondant « appareil » ou appareillage et de commentaires connexes.  (lire la suite...)



Rétiaire

Journal d'un rétiaire
par Gabriel Meshkinfam
"Marie, c’est un beau prénom, un prénom comme les autres. Ma mère m’a toujours dit que je m’attachais aux Marie, que c’était peut-être dû à mon prénom à moi. J’y crois au destin, au moins pour ça ». C’est ainsi qu’aurait pu commencer ce journal d’enfance où je me plaisais à faire ressurgir des métiers disparus. Rétiaire était l’un d’eux. Comme si un homme pouvait jouer sa vie pour pêcher l’amour dans un filet pour poissons volants."



Matisse

Henri Matisse, Intérieur avec aubergines

Vous m’avez fait chercher, Dominique Fourcade, Hadrien France-Lanord, Sophie Pailloux-Riggi, P.O.L, 2021.


par Jean-Michel Maulpoix

 

Rares sont les livres qui bouleversent nos habitudes de lecture à cause de leur « dispositif » expérimental propre. C’est le cas de Vous m’avez fait chercher, qui vient de paraître chez P.O.L, signé de Dominique Fourcade, Hadrien France-Lanord et Sophie Pailloux-Riggi : un gros volume non paginé où se mélangent textes (à typographie variable), tableaux, photographies, couvertures de livres, coupures de journaux et citations, sculptures, etc. En quatrième de couverture, trois lignes précisent que cet ouvrage spacieux : « n’est qu’un/autoportrait/ on s’y est mis à trois ». Autoportrait de qui ? De Dominique Fourcade, poète, que l’amie et l’ami ont « fait chercher » pour assembler avec lui les images du monde de son écriture, depuis Le ciel pas d’angle jusqu’à magdaléniennement. (lire la suite...)



Temple
                                  rouge

"La paroi de roche immense est suspendue au-dessus du cloître et les chimères qui décorent les arcades, à l'instar des cariatides, semblent prêtes à soutenir ce poids infernal si jamais il venait à se détacher de la montagne. Sculptés par les moines précédents, ces êtres fantasques semblent avoir été prévus pour pallier la catastrophe. Les griffons, les serpents et les dragons
enlacés autour des colonnades sont nos gardiens contre l'usure du temps. Qu'il est vain pourtant de vouloir se défendre contre l'inattendu. Encore tout à l'heure, mes pensées se sont égarées lorsque je m’occupais à traire cette
pauvre chèvre au pelage zébré par l’ombre des bardages de la grange. J’aimerais l’interroger, lui dire : « La vie ainsi faite est-elle belle ? » Mais à quoi bon ? Peut-être le bonheur est-il une idée qui sied aux hommes seulement. L’hiver se passe dans la pénombre des étables. L’été, le troupeau se laisse docilement orchestrer par les aboiements du chien qui à la manière d’un soliste dont la voix contraste avec le chœur, relève l’harmonie de tout l’orchestre à sa suite, et moi, je trône sur les points saillants des flancs de montagne lorsqu’il faut sortir ou rentrer les bêtes des pâturages, dirigeant de là cette symphonie.  (Lire la suite...)


Les Ouvertures
par Carole Darricarrère

« (…) le mot attire à lui d’infinies hordes sonores, se love en avalanche sur lui-même, roule de plus en plus irradié et irradiant, déracine, arrache, et ne peut en fin de compte que prendre peu à peu l’aspect inimitable d’une grande sphère de feu qui déboule et charrie tout sur son passage… »

Un chapelet en guise de collier autour du cou, vêtue de noir dans les acmés lyriques de la lumière, je raccroche les wagons tandis que je lis à messes basses en lettres de feu dans un renversement de perspectives l’apocalypse existentielle d’un chemin de salut, et que je me demande, subjuguée, n’est-ce pas cela la grande, la vraie Littérature, les articulations de mes doigts en panne sous le poids d’un récit au long cours j’en poursuis la lecture à poings fermés dans un rêve conjonctif défiant les lois de la physique. (Lire la suite...)


Pain perdu
  • Guy Goffette, Pain perdu, poèmes, éditions Gallimard
Pain perdu : la recette est simple ; vous trempez dans du lait, puis dans des œufs battus, des tranches de pain sec ; vous les faites revenir dans une poêle avec un peu de beurre ; vous servez, saupoudré de sucre. Il ne faut pas gâcher le pain ; il ne faut pas gâcher les mots : laissez-les s’imbiber le temps nécessaire dans la page blanche, battez votre encre et faites revenir du temps perdu, des phrases oubliées, parfois même des visages aimés… Cette vie, ces mots, ces images, ces bouchées de mémoire, n’est-ce pas à peu près la même chose, puisque tout est langage ? Voilà que Guy Goffette s’est mis au fourneau, dans sa cuisine de province, là-haut, à deux pas de la frontière belge. Il a rendez-vous avec le toujours et le plus jamais, le promis et le disparu, les saisons réelles ou imaginaires du temps de la vie. Les années ont passé : il regarde sa montre ; l’heure tourne ; chacun le sait, beaucoup l’oublient. Et c’est en vers qu’il nous envoie des cartes postales de la vie promise et de la vie perdue. Comme à son habitude, il accueille du monde dans la chambre d’amis de ses « dilectures » : Anise Kolz, Georges-Louis Godeau, Emily Dickinson, Jorge Luis Borges. Entre partance et retour, toujours une valise à la main, le poème est affaire d’oreille, de toucher de langue, et de pas de danse sur un fil. Il est quatre heures à « l’école des muses » : A table les enfants, le goûter est servi ! (Jean-Michel Maulpoix)


Vegliante

 

 "Un vrai livre de poche par sa dimension (10,5 x 15 cm) permettant de le lire partout où l’on s’arrête, un moment au calme. Voire d’en relire certains extraits (ou fragments) avec l’impression de connexions possibles entre eux. En témoigne le texte en page 4 de couverture qui correspond exactement au premier paragraphe du Préambule. Ce livre est aussi une grande surprise pour ceux et celles qui ont l’habitude de lire les poésies de Vegliante car il s’agit là, majoritairement, de prose, çà et là sous forme de véritable récit."  (lire la suite...)


Diana Manole
                                  book


"Riz cuit aux crevettes avec un soupçon de safran", "Molécule de béatitude" et "Recodage du deuil" : trois poèmes de Diana Manole, poétesse canadienne d'origine roumaine. Ses textes ont été publiés au Royaume-Uni, aux États- Unis, en Biélorussie, au Mexique, au Brésil, en Afrique du Sud, en Turquie, en Albanie, en Chine, en Roumanie et Canada. Son prochain livre de poésie, Praying to a Landed-Immigrant God, est à paraître aux  Editions « Grey Borders Books ».



Bourg

photographie de Carole Darricarrère
par Carole Darricarrère

« La rumeur insinue que la glissade ne se termine pas toujours dans un bac à sable. »


"De « Rien ne demeure. » à «  Ne suscite plus, quand le noir se fait, que le souvenir qui va s’amenuisant d’un regard. » - de la page 9 à la page 44, sous le signe du monologue et sur le ton de la confession, la hampe hiératique d’une potée d’émotions à têtes de vanités clampée à l’attente d’un événement joyeux, même les livres, en ces temps de pause longuement suspendus, sonnent la fin de la récréation et témoignent d’une propension négative au reflux." (lire la suite)



In / Carne

par Carole Darricarrère

"À tâtons de traversée entre les signes une disposition à la lecture s’appréhende. L’expérience de la présence tient à une "décompréhension". De l’œil à la peau au ralenti la mémoire est longue qui depuis le travers du corps de l’homme regarde. Un corps de sensations, une respiration de pages, une foulée de symbiose enracine sa différence dans le semblable, la dent dans la montagne, le souffle dans le vent, un décor investit le ciel intérieur du corps - fait corps d’intériorisation en mouvement dans le paysage une somme aléatoire de marques" (lire la suite)...



Hugo
par Carole Darricarrère

"De l’art de la lecture à celui de l’hommage post mortem, fleurs fraîches - sans couronne sépia -, du défi à l’admiration et au pari tenu sur la longueur avec une ferveur discrète et une tendresse assumée, Lionel Bourg nous offre de siroter un essai bien stylé et nous invite à redécouvrir belles métriques et grands récits."

(lire la suite...)


tant qu'on a
                                  la santé

"Un an et demi après la maladie, Gabriel Meshkinfam se laisse à nouveau ausculter par une poésie chirurgicale. Il s’agit en quelque sorte de mettre à jour les sutures du corps, les replis d’une conscience encore fragile et les petits éléments de la vie qui ont évolué ou persisté depuis « Tant qu’on a la santé ». À vingt-quatre ans, les choses ne font que commencer et on a pourtant l’impression de tourner en rond".




Mahy

 par Olivier Vossot

 (...)Le pluriel du titre suggère d’emblée combien, au milieu de la noirceur ou du désenchantement des mots – ceux d’une poésie parcimonieuse d’être à ce point polie, ciselée dans ses moindres détails –, ce ne sont qu’interstices, failles par lesquelles passent les liens que nous ne cessons de tisser, en nous, avec ceux qui ont compté, et ne sont plus. Il n’y a peut-être pas d’arrière-monde – mais nos vies sont cousues d’arrière-plans.  (...) lire la suite...


Camille
                                  Kouchner

par Jean-Charles Vegliante

"Quelle violence que ce silence blanc, cette voix blanche entre les pages du livre ! Contrairement aux mémoires terrifiées de la furie Gilles de Rais (récemment revisitée par Claude Gauvard dans Les grandes affaires criminelles, ouvrage dirigé par Jean-Marc Berlière chez Perrin), ou du déchaînement sans bornes des Cent-vingt Journées de Sodome pasoliniennes, auxquelles peut faire penser le cercle des « Sanaryens » en vacances épinglé par Camille Kouchner, tout dans le scandale interminable de sa Familia grande se déroule justement sans scandale, à bas bruit, dans un huis clos aussi étouffant que l’existence des notables impliqués était exubérante, prodigieuse.  Un silence meurtrier, si l’on pense aux nombreux morts qui parsèment l’histoire des jumeaux Camille et Victor (et de leur frère aîné Colin) entre Paris et Sanary. ...)" pour lire la suite.


Arche Carole Darricarère

Photographie de Carole Darricarrère
"Ou comment faire d’un monologue instrumental - sans paroles autres que les débordements de mots en bon désordre d’un journal nocturne - un voyage interstellaire s’assimilant furieusement à une quête transcendant à la fois le langage et les maux de la condition humaine,
En cette année 2020 et son vocabulaire de fin du monde qui se termine comme elle a commencé comme un serpent se mord la queue,
En cette année la plus bernhardienne, la plus schizophrénique qu’il nous ait été donné de traverser à nos risques et périls, « telle voix d’un hors-monde soufflant, depuis son lieu futur, appelant, appelant à entendre », quel chant de sirène, « lieu de la lancée », « écarte les lianes, c’est alors le ciel »... (lire la suite...)


Vossot

 
par Jean-Marc Sourdillon

"On retrouve dans L’écart qui existe les qualités qui avaient fait la force de Personne ne s’éloigne, le précédent livre d’Olivier Vossot, si réussi, si fragile et si ferme à la fois, qui avait obtenu le prix du premier recueil de poésie. Il n’est pas facile de parler de ce second livre exigeant et subtil, dont on comprend peu à peu que s’y joue quelque chose de vital.
Je pense parfois en le lisant à la voie inaugurée par Pierre Reverdy, cette manière de composer ses poèmes verticalement selon le principe d’un parallélisme des vers. (lire la suite...)



Leopardi


Le poète Gianni D’Elia, habitant amoureux d’un paysage qui fut celui de Giacomo Leopardi – Recanati et alentours, des collines aux rives –, a souvent rendu hommage au souvenir de son illustre prédécesseur, dont il évoque la jeunesse pugnace dans ces deux textes (un extrait et un poème remodelé à quelques années de distance), ici entièrement retraduits par Jean-Charles Vegliante. "De Fiori del mare" 2015 (évidente réminiscence d’un autre poète aimé, que l’on pourrait essayer de rendre par « Fleurs du sel ») au tout récent "Il suon di lei" (syntagme bien connu de L’infinito : « le son d’elle »), mais à partir d’une Lettre encore antérieure (lue au Colloque Leopardi de 2008 à Recanati), il s’agit, comme c’est souvent le cas en poésie, d’un véritable dialogue fraternel, par delà la distance temporelle et physique. "    (lire la suite...)




par Carole Darricarrère

« Je m’adresse à un lecteur qui, pour reprendre le terme de Paul Celan, se hisse. Quand quelqu’un me dit : « Je ne comprends pas. » je suppose qu’il n’a pas le désir de se hisser jusqu’au sens.  Se préparer à la lecture est passionnant, mais il faut s’en donner les moyens. » si l’on considère que le livre, par isolement, est « un tombeau offert au lecteur pour qu’il y descende. Pour qu’il y introduise sa propre disparition »*, l’œuvre et sa psyché une rampe d’accès à l’inconscient.

 

Autant que je m’en souvienne, chaque livre de Jean Daive m’est toujours apparu comme la chambre d’écoute de quelque cabane de survivant perché par delà les ailes et les moulins une étoile à cinq branches au front pointant l’infini ; ce que j’appelle un livre de poudreuse dans lequel s’enfoncer loin du bruit du monde en compagnie de quelques rares sosies croisés et reconnus pour ce qu’ils sont : luminaires, veilleuses, astres et apôtres.  (lire la suite...)




Sappho

De cette ode très célèbre, classée ordinairement dans le 1er livre des Œuvres de Sappho (tout en strophes sapphiques 11, 11, 11, 5), nous donnons deux traductions refaites sur les versions italiennes de Giovanni Pascoli en vers sapphiques et de Jolanda Insana en vers libres (ou, bien que comptés, libérés). Nous avons omis le dernier vers, lacunaire, qui commençait par une adversative de difficile interprétation, comme l’avait fait déjà Pascoli. (lire)






Pierre Oster

Pierre Oster
  • Hommage à Pierre Oster (1933-2020)
Le poète Pierre Oster, est disparu à Paris ce 22 octobre. Il avait accompagné de son amitié attentive les débuts de nombreux jeunes auteurs et joué dans les années quatre-vingt un rôle de conseiller, de soutien et de passeur attentif. Le Nouveau recueil a souhaité lui rendre hommage en réunissant des textes écrits par des poètes qui lui furent proches:


Transibérien

par Pascal N. Mora

Dans un espace euclidien, la droite est le chemin le plus court entre deux points ; sur Terre, les reliefs imposent aux trains d’autres dessins : au-dessus du titre sur le panneau de droite, la ligne de chemin de fer est déjà une ébauche d’éclair sur la carte du Transsibérien. Non seulement Cendrars ne l’a jamais pris, mais il n’a jamais non plus mis les pieds dans la Chine voisine et à Pékin où il assure pourtant avoir crevé de faim en 1904 comme en 1912 il battra sa dèche dans un New-York où il prétend avoir rédigé Les Pâques. Peu importe. La Prose ne scande-t-elle pas :

« Et j’étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu’au bout » (lire la suite)






neige
par Jean-Charles Vegliante
Voici disponibles en français les deux derniers recueils d’Amedeo Anelli, poète et philosophe, génération 1956, fondateur-directeur de la revue « Kamen’ » (à savoir Pierre, et aussi poème de Mandelstam, 1913 : « Je suis ici, je ne peux faire autrement »). Ils sortent en même temps ou presque, et peu après leur édition originale (italienne), grâce à la traductrice Irène Dubœuf dont on doit admirer la diligence : divine surprise, quand on sait la difficulté qu’il y a à publier toute traduction de poésie qui ne soit pas anglo-américaine, ou d’une œuvre déjà largement popularisée (mettons, de Dante, Góngora, Hölderlin, Pouchkine…) – nous ne le savons que trop... (lire la suite...)


Portrait de
                                  Tristan Corbi§re


par Pascal N.Mora

En 1873, Les Amours jaunes s’ouvrent sur une lithographie de l’auteur, un autoportrait en va-nu-pieds raturé de courtes rafales, courbes ou droites. Le dessin est laid, sale... mais sûrement pas sans travail. A y regarder de près, à ces trop nombreux griffonnages se superposent sciemment quelques lignes plus épaisses et plus lisses, moins sauvages : autour des jambes, du visage, du chapeau et dans une moindre mesure de la bitte d’amarrage. Aucun trait n’est de correction ; les hachures sont postérieures à la silhouette qu’elles ravagent : elles ne changent rien à la position initiale, ne courbent pas le dos, n’abaissent pas le visage ; mais avec les yeux elles pochent le regard, et forcissent au point de les rendre illisibles ? les lignes initiales. Sous des amas parfois compacts jusqu’à la tache, aucune de ces lignes d’incorrection ne semble se raccrocher à une autre : elles ne sont pas parvenues à se concaténer en une forme close. A l’arrière de la cuisse, une ligne fine laisse à penser que le contour originel était fermé et autonome...(lire la suite)


Fourcade
  • magdaléniennement de Dominique Fourcade, aux éditions P.O.L
« Magdaléniennement », un mot étrange, « adverbialement beau » donne son titre à ce livre de Dominique Fourcade. Il suffit de tendre un peu l’oreille pour y percevoir beaucoup de choses : le prénom ancien de Marie-Madeleine, un petit livre de notes de la musique de Bach, une époque paléolithique de l’humanité, une grotte et un col des Alpes, ou ce tendre gâteau ventru qui fit rêver la mémoire de Marcel Proust… Un mot, n’est-ce pas pour le poète ce qui s’éveille et engendre tout à coup un monde, esquisse une scène, inonde et réveille quantité de souvenirs ? En suivant le fil d’une espèce de chronique-poème courant à grandes enjambées de 2011 à 2019, Dominique Fourcade assemble des états successifs de sa poétique comme autant de flux, d’afflux, de flashs qui sont des éclosions de sens. Prose poétique, poème en prose, essai, biographie, abrégé de la méthode, récit rapide, tout cela procède d’une même voix qui s’écrit, la sienne propre, et nous donne impulsivement à entendre son intelligence de la langue. Cela ne fait aucun doute :  la poésie est ici à la fois une ivresse et une puissance d’examen : « chaque poème a son cerveau ». (Lire la suite)


La petite
                                  maison
  • "La petite maison dans le jardin", essai de Pascale Rodts-Rougé sur l'oeuvre de Guy Goffette
"Depuis qu’un jour, enfant, il aperçut de dos, au confessionnal, les jambes en bas résille d’une inconnue, Guy Goffette est un homme à femmes.
Il y a eu Jeanine, douze ans, qui promet un baiser à Goffette, alias Simon (huit ans) ; il y a eu la Monette, quarante-deux ans, la cuisse légère et la voix folle, qui initie Simon (onze ans) aux ébats et aux malheurs de l’amour. Il y a eu les femmes en L : Laure, « Luce, Lili, Léonce, Léone, Lenny, et Marielle aussi, et Isabelle, Christel, Estelle et Claire, Clara, Claude, Clotilde, enfin, toutes les femmes en ailes, mes préférées pour leur côté volage et volatile  ».
Et puis un jour il y a eu Partance. Avec Partance, c’est autre chose. Car elle n’a ni ailes pour s’échapper, ni jambes à confesse. S’il fallait parler du corps de Partance, c’est plutôt à des corps lourds qu’il faudrait penser : celui de la Bonne Mère, la Sœur qui faisait la classe à la petite école et sous la jupe de laquelle il devait aller – « Allez, mon garçon, en enfer ! C’est là où vont tous ceux qui ne sont pas sages.  ». Ou bien encore le corps de la Grande Germaine, « dans les cent-vingt kilos », qui pour réchauffer Simon tombé dans le lavoir le « fourre » « tout nu dans sa chaleur, contre ses seins et son ventre  ». (lire la suite)...








Puisque la vie
                                  est rouge
  • Emmanuel Godo, Puisque la vie est rouge (Gallimard)
« Puisque la vie est rouge », couleur de fièvre, il incombe aujourd'hui au poète d'en donner le battement à entendre dans la palpitation de ses vers. Même s’il nourrit toujours en cachette des rêves de haut lyrisme et voudrait bien cueillir encore la fleur de ce « rouge idéal » que cultivaient ses aînés, ses vers  sont  de la prose coupée, à basse tension : le peu de poésie restant possible après que s’est étranglé le chant. Plus question de débattre de l’absolu, non plus que de faire chatoyer la croyance, quand « le squelette de Dieu tremble là-bas » et que « les voisins s’engueulent de l’autre côté du monde ». Cependant, une autre altercation, très ancienne, se poursuit sur le papier : elle opposa naguère le spleen à l’idéal, le fini à l’infini, et l’espérance au désespoir. A présent elle se fait encore l’écho de « L’Éternité en nous/ Qui ne veut pas mourir », et continue d’aligner sur la page « les mots pour ce qui ne peut pas vivre ». Autant dire que la voix du poème ne se contente pas d’exprimer la vie changeante des sentiments. Elle est cette force qui  questionne et qui cherche, appelle, réclame, propose, aspire, invente : angoisse, impatience, effroi, mécomptes et désirs rebattent indéfiniment les cartes de la langue et en redistribuent les images. L’écriture est une insomnie, aussi bien qu’une persévérance : « La Poésie : ma vie avec l’ange muet qui pourrait se mettre à parler » écrit Emmanuel Godo… Mais qui est donc cet ange muet ? Il tremble d’impatience. Il a souvent le visage jeune d’une femme, des lèvres, des ongles, et des oiseaux en émoi dans les yeux. Ses cheveux rouges qui brûlent dans la nuit ne sont pas ceux que l’on connaît aux statues des églises. Son surgissement soudain rappelle que la vie n’est pas chose acquise, bien installée dans la forme de ses habitudes, mais la force même de l’inespéré. Dans cette succession de rendez-vous manqués qui constitue le tissu de l’existence commune, il y a ces déchirures, ces blessures par où le sang laisse couler son trésor : de cela s’occupe le poème. Il est cette parole imprudente qui risque sa voix entre l’amour qui menace et le Dieu qui manque.
Jean-Michel Maulpoix


Aimer rimer


  • Préface à Aimer, rimer, 150 poèmes pour réinventer l'amour, anthologie réalisée et prése,ntée par Jérémie Pinguet, aux éditions L'Harmattan (296p, 22 euros)

L’amour aime les mots, qui le lui rendent bien.
    Lui qui tant fait parler se plaît à se dire et se redire encore, jusqu’à son dernier souffle, aussi bien pour exprimer son désir ou son bonheur que sa peine. Les mots sont ses miroirs, il s’y contemple et jouit de soi. Et voilà qu’à leur tour ces mots sont animés d’une ardeur singulière, plus faciles, plus dociles, plus joueurs, impatients de montrer de quoi ils sont capables. Eux aussi font l’amour ! « Allumés de reflets réciproques », ils s’empressent, s’appellent et se nouent sur le blanc de la page pour se faire poème. André Breton l’avait compris : « La poésie se fait dans un lit comme l’amour. Ses draps défaits sont l’aurore des choses. » Oui, le monde même semble renaître lorsque l’amour vient au langage et renouvelle notre perception du temps et de l’espace, « rendus sensibles au cœur » !  (lire la suite...)



En coeur
Né en 1997, Stéphane Lambion a publié "Bleue et je te veux bleue", son premier livre, en 2019, à "l'Echappée belle" (voir ici).
Il y a quelques semaines, un accident cardiaque l'envoie brusquement à l'hôpital en unité de soins intensifs. Il rapporte de cette épreuve le texte qu'il nous confie, "En coeur", écrit entre douleur et stupeur. A la fois journal et poème, cet ensemble de pages constitue une série de "tentatives de compréhension"   soutenues par un sens aigu de l'observation et un mélange très singulier de poésie, d'humour et de causticité.


Mariangela Gualteri

Née à Cesena en 1951, Mariangela Gualtieri est l’une des poétesses et dramaturges italiennes les plus reconnues dans le champ contemporain. Dans un recueil récent, « Le Giovani parole » (Einaudi, 2015), elle décide de faire l’éloge de l’immobilité. Dans un monde qui va trop vite et trop loin, la poétesse nous invite à redécouvrir les plaisirs de la lenteur et de l’attente. Son style simple se déploie comme une végétation. Le texte y est rythmé par une voix calme, à l’écoute des vibrations du corps et du changement des saisons. Le lecteur peut alors plonger au sein de l’ébriété d’une vie qui sait faire bon ménage avec la nature.  Ébriété, nous rappelle Mariangela Gualtieri, qui naît toujours du recueillement et de l’exploration de notre « espace du dedans. (Présentation par Gabriel Meshkinfam)

Mario Benedetti entre deux rives
  • In memoriam Mario Benedetti
Le poète italien Mario Benedetti, l’un des meilleurs de sa génération, vient de s’éteindre dans une maison de soins où il était hospitalisé depuis un accident cérébral consécutif à un infarctus. Né à Nimis le 9 novembre 1955, traducteur de Michel Deguy, Benoît Conort, Yves Bonnefoy, il avait obtenu le prix Brancati en 2014 pour Tersa morte, Milan, Mondadori, 2013 (voir : https://www.recoursaupoeme.fr/avec-une-autre-poesie-italienne-une-lande-imprononcable-peut-etre/ ) et le prix Villalta en 2018 pour l’ensemble de son œuvre (Tutte le poesie, Milan, Garzanti, 2017) ; il est mort à Piàdena, atteint du Covid19, ce 27 mars 2020. 
Avec Joëlle Gardes, Jean-Charles Vegliante avait proposé un large choix bilingue des Poesie à divers éditeurs français. Nous avions publié sur ce site des extraits du Silence du souffle (Mondadori, 2013) et proposons à présent un court poème, "Ce qu'est la solitude", traduit par son ami Vegliante, en guise de salut. Au revoir, Mario...





Sur un piano
                                    de paille

larmes
  • Les mains de Michèle Finck


par Jean-Michel Maulpoix

Sur un piano de paille, de Michèle Finck, paraît deux ans après Connaissance par les larmes, chez le même éditeur, Arfuyen. C’est à nouveau un livre où « les routes de musique et de poésie se croisent », pour reprendre une formule chère à Valéry. Ou plutôt faudrait-il dire que ces routes se superposent, cheminent ensemble et tendent à se confondre. De concert, musique et poésie donnent ici à lire et à entendre un chant de la mémoire.  Ce sont les émotions et les pensées d’enfance les plus profondes, les plus intenses, avec leurs blessures et leurs joies, qui viennent se loger là, sur ce double chemin de vie : dans la musique, dans le poème ! Sur le « piano de paille » de naguère, le poème joue ses variations, ou plutôt rejoue l’autrefois toujours présent. Il déchiffre de mémoire la partition de toute une vie, de part en part consacrée à l’alliance de la musique et de la poésie. La bande son de l’enfance est le fond sonore sur lequel l’écriture vient jouer cette vie singulière, entre cri et caresse, comme entre douceur et douleur. Karesse, Karesser, ces mots autrefois prononcés par le père quand l’enfant faisait face au piano de paille pour y déchiffrer la mélodie des Variations Goldberg, reviennent obstinément pour dire la douceur d’un toucher qui paraît s’extraire de l’angoisse et naître de « la conscience suraiguë de la solitude des chairs sans Dieu ». N’est-ce pas à ce défaut que vient répondre le toucher de la musique ?

Datée du 26 mai 2016, une aria, mélodie chantée par une seule voix, sous-titrée « Pierre pour un tombeau », ouvre et referme ce livre. Elle est dédiée à Yves Bonnefoy et fut écrite quelques semaines avant sa disparition, à Paris, le 1er juillet 2016. Mais de même que la musique se superpose au poème, c’est aussi bien la figure de son père disparu par qui elle découvrit la musique que Michèle Finck évoque dans ce texte. La musique tient ainsi la main du poème : mains de mourant du père et de l’ami, ou mains de la jeune femme qui écrit ou qui joue, telles sont ici les mains vivantes de Michèle Finck.



Intérieur du
                                  corps


par Gabriel Meshkinfam

Une écriture très libre, étrangement concrète, évoque la découverte en soi de la maladie, sans aucun pathos, sur un ton familier, faussement désinvolte, et avec des mots simples, attentifs au regard des proches comme aux imperceptibles turbulences qui se propagent jusqu'à eux depuis l'intérieur du corps menacé...

Gabriel Meshkinfam est un jeune auteur qui a déjà publié "La traversée des regards" aux éditions Pont 9. Il a également donné au "Nouveau recueil" une belle étude sur les mains d'écriture des poètes  du XXe: Le poète est-il un homme-de-main ?



Mer
par Chaher Mohamed Said Omar
Né à Mutsamudu-Hombo, sur l’île d’Anjouan, aux Comores, en plein Océan Indien, Chaher Mohamed Said Omar est un jeune auteur (dont les premiers manuscrits datent de l'année 2018) qui se présente lui-même "en quête de catalyseurs pour son vers aveugle encore". Et il ajoute : "Les femmes qu’il a aimé, sans retour, comptent parmi la matière qui l’innerve. Mais c’est surtout la mer, pour cet ilien, qui vient briser son écume contre la page. Le sable en a gardé la trace. La trace vise l’oubli. Et ne laisser qu’une émotion vague : toujours la mer."

bleue je te veux bleue

par Jean-Michel Maulpoix
Poussez la porte de ce livre, le premier d’un jeune auteur, entrez ! Cela ne manquera pas, dès les premières phrases, vous serez saisi par la netteté de l’écriture : comme un habit coupé avec soin, la langue tombe bien, ses plis sont justes!
Une succession de courts chapitres met en place avec une grande liberté les éléments d’un récit minimal. Penché sur sa propre mémoire, un jeune homme qui ne trouve pas sa place dans l'amour simple, l'amour de la vie à deux, se faufile sur les traces d'une jeune femme mystérieuse, presque une étoile filante : « la petite gitane ».
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Vue de Delft

Giulio Burresi est né à Sienne (Italie) en 1988. Il a commencé à écrire dès l’adolescence (une des nouvelles qu’il a écrites alors a reçu un prix au concours “Dentro le parole”, organisé par la maison d’édition Zanichelli). Il a étudié l’histoire de l’art à l’École Normale Supérieure de Pise et à Sienne. Ses trois centres d’intérêt sont l’art de la Renaissance, la littérature italienne du XXe siècle (Montale, Ginzburg) et... le cinéma de François Truffaut.
Barlumi est le premier recueil de Giulio Burresi. Composées presque d’un seul jet, en une semaine, à l’âge de seize ans, ces courtes poésies sans prétention naissent de la recherche d’un dialogue et d’une harmonie avec le réel – recherche vaine et illusoire qui ne fait parfois qu’accroître le sentiment de solitude tout en dévoilant sa richesse...

Immensité du
                                  ciel

L'immensité du ciel,  de Jacques Lèbre (La Nouvelle escampette, 2016)

par Judith Chavanne

« Le monde est plein de voix qui perdirent visage », écrivait Supervielle, qui évoquait le tourment des défunts réduits à rien qu’un souvenir vague, inquiets de trouver refuge et survie auprès des vivants dont ils auraient volontiers habité le corps à nouveau, auxquels, du moins, ils auraient aimé rappeler leurs traits, leur visage avec plus de netteté qu’ils ne le font souvent.
C’est une même compassion qui anime Jacques Lèbre pour les âmes exilées de ce monde, dont il tente d’inventorier et d’évaluer les possibilités de demeurer sous telle ou telle forme après leur mort.

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Antoine Emaz
Hommage à Antoine Emaz (1955-2019)
Antoine Emaz nous a quittés, ce dimanche 3 mars 2019, dans l'après-midi. Il nous avait appris à ne pas nous payer de mots, mais aussi à nous y accrocher comme le lichen s'accroche à la pierre.


Giacometti l'homme qui chavire

" Ce que devint ta figure ce que fut ton visage au-dedans des semblables années je ne saurais le dire – ne te connaissant désormais que de loin en allée au milieu de ceux qui ne te ressembleront jamais perdue auprès de ceux que tu ne peux comprendre. Pour moi j'en suis réduit à te voir en pensées réduit aux restes maigres de ta silhouette – est-ce là encore te connaître. Et sans cesse pourtant il me faut veiller sur eux comme sur d'anciennes reliques menacées d'anonymat tandis que d'autres innombrables chaque jour te voient et te fréquentent sans y prendre garde. À quoi ceux-là passent-ils donc leurs journées à quoi leur sert-il de t'avoir dans leur sphère. Et sans y accorder la moindre attention en ta discrète compagnie bientôt les voilà seuls.(...) Lire la suite...


a
                                  l'équilibre
par Jean-Marc Sourdillon

On retrouve avec ce nouveau livre de Judith Chavanne, l'univers familier de ses poèmes : des enfants aux fenêtres, des fleurs, des oiseaux, l'espace abrité de son jardin, le silence de la neige qui tombe ou ces quelques gestes qui paraissent parfois se suspendre. Motifs inlassablement repris mais jamais lassant, sans cesse changeant, redisposés autrement et révélant, sans jamais les nommer ces imperceptibles mouvements de la vie intérieure. (lire la suite...)


Proxima
                                  century
par Jean-Marc Sourdillon
Proxima Centauri est le nom de l’étoile la plus proche de la terre après le soleil. Proximité très relative puisque qu’elle se trouve à environ quatre années lumière. C’est aussi le titre d’une courte pièce de théâtre de Mathieu Hilfiger, une sorte de dialogue stellaire parue récemment aux éditions "Le Ballet royal".  Trois personnages, un ingénieur, un médecin et un technicien, dérivent  au milieu de l’espace à bord d’une station spatiale dont ils ont la responsabilité. Ils commentent dans d’étranges dialogues poétiques la situation dans laquelle ils se trouvent : le monde d’où ils viennent est en guerre et menace d’exploser, l’engin qu’ils habitent est sur le point de s’effondrer et la lentille de la lunette qui leur permettrait de se repérer est fendue et impossible à réparer. Leur seul repère est l’étoile Proxima Centauri dont ils se rapprochent dangereusement alors qu’elle entre en fusion. (lire la suite...)

Holdban

par Jean-Marc Sourdillon
Toucher terre, le dernier  recueil de poèmes de Cécile Holdban,  semble   un peu plus construit que les précédents (autrement dit, plutôt livre que recueil), obéissant tout entier au mouvement d’une quête. On y cherche une issue dans un labyrinthe : labyrinthe de soi,  de l’hiver sans lumière, des circonstances en forme de piège, de l’absence d’événements,  des détours, des lacets que fait la vie en se retournant  sur elle-même comme l’insomniaque dans son lit, de l’affolement intérieur et du sentiment d’être coincé en soi sans pouvoir s’en extraire… 

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Martine
                                  Broda

Dessin, portrait de Martine Broda par Anne Gorouben



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Paul
                                  Verlaine

"Verlaine ne fut pas le truand contemporain, le ribaud attardé que se représentent avec curiosité, avec dégoût, selon les mentalités de chacun, les publics bourgeois à prétentions lettrées "... Qu'en fut-il de la fin de sa vie, et de son écriture lyrique tardive ? Pierre Couranjou nous apporte quelques éléments précis pour répondre à ces questions...

POrtrait
                                  d'Yves Bonnefoy


écrite par le poète italien Eugenio de Signoribus en hommage à Yves Bonnefoy
traduction en français par Jean-Charles Vegliante

Dans une lettre du 27 janvier 2011, qui accompagnait sa traduction en français de 24 sonnets de Pétrarque, Y. Bonnefoy écrivait : « Notre communauté d’amitié sous le signe de la poésie est ce qui me préserve de la désespérance. La poésie est aujourd’hui comme une braise sous la cendre. On peut espérer que le feu y reprenne… »

Et il est certain qu’en visionnaire lucide, avec la haute texture de pensée et de langue, il a été un exemple de résistance contre la mortification de la poésie, sans cela « terre d’exil ».  




Mains de
                                  poète
Un rapide état des lieux autour du concept de main et de ses représentations chez les poètes du XXe siècle

Le poète agit dans l'obscurité d'une chambre, à peine éclairé, tenant entre ses doigts une plume "à bec de bélier", un objet pointu et dangereux. Le poète est un homme de main. Ou plutôt, il est un homme-de-la-main, en un seul mot. Comme si c'était là son essence même. La main, organe du possible, organe de préhension en même temps que de compréhension. Une main qui, coupée, pourrait mettre fin à la poésie en même temps qu'à l'homme. La main, voilà de quoi ne cessent de nous parler Valéry, Celan, Tortel ou encore Jabès. Un trop plein de mains qui nous oblige à un rapide état des lieux...





Jacques
                                  Réda
Pascale Rodts-Rougé est Maître de Conférences en Langue et Littérature françaises du XX° et XXI° siècles à l’Université du Littoral - Côte d’Opale (ULCO). Elle a consacré sa thèse, publiée en 2002 sous le titre Aux frontières, essai sur Jacques Réda (Ed. du Septentrion, coll. « Objet ») et de nombreux articles à Jacques Réda. En quête des « dilectures » chères à Guy Goffette, elle interroge la notion d’écriture imitative autant qu’elle s’interroge sur les affinités électives qui font se rencontrer, comme dans la bibliothèque borgesienne, un poète, un musicien, un peintre, un lecteur, d’ici et d’ailleurs.
Son séjour d’un mois à Pékin en 2018 en tant que professeur invité à la BFSU a été l’occasion de relire Jacques Réda à la lumière de l’un des plus fameux poètes chinois, Li-Po, auquel Jacques Réda rend hommage dans deux recueils situés à la croisée de l’exercice de style et de la rêverie empathique.
Cette rencontre entre un écrivain-poète contemporain et un poète de la dynastie Tang s’inscrit dans une réflexion plus générale sur la rencontre avec l’Autre et l’Ailleurs, qui sera au coeur de la Journée d’études transdisciplinaire organisée par Pascale Rodts-Rougé à l’ULCO le 22 novembre 2019 : « Entre Occident et Orient : dialogue des esprits, dialogue des cultures ».
Pour toute information, merci d’envoyer un mail à rouge@univ-littoral.fr






Ossip
                                  Mandelstam

par Jean-Michel Maulpoix

"C’est un événement éditorial rare, à marquer d’une pierre blanche, que la publication d’une traduction des œuvres complètes d’un poète étranger. Et lorsque ce poète est de l’importance d’Ossip Mandelstam, cet événement est considérable. Réunis en deux volumes, à la fois d’emploi commode et remarquablement présentés, les œuvres en vers et les écrits en prose du poète russe se trouvent pour la première fois rassemblés, disponibles pour tous, après avoir sourdement nourri et irrigué la réflexion de quelques-uns des poètes les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle : Paul Celan, René Char, Pier Paolo Pasolini, Philippe Jaccottet, André du Bouchet, Derek Walcott, Seamus Heaney…" (lire la suite...)

 


Pascoli

par Yannick Gouchan
"Jean-Charles Vegliante, à qui l’on doit, depuis près de quatre décennies, le passage en France et en langue française de nombreux poètes italiens (dont une version intégrale et admirable de la Comédie de Dante, chez Poésie/Gallimard), propose un volume qui tient à la fois de l’essai et de l’anthologie. Il nous présente un des auteurs essentiels pour saisir la modernité poétique en Italie.

Giovanni Pascoli (1855-1912) est véritablement un poète de l’inquiétude (on parle de « […] la terreur de cet être simple »), obsédé par les disparus et dont le volume de Jean-Charles Vegliante confirme l’appartenance au symbolisme et plus largement à la grande littérature, car Pascoli tient, en Italie, une place comparable à celle d’un Hugo ou d’un Mallarmé en France." (lire la suite...)



la
                                  raversée des regards

par Jean-Michel Maulpoix

« Je est un mot comme un autre / Seulement il est plus court /Et plus rugueux »
Ainsi s’ouvre la première partie de La traversée des regards de Gabriel Meshkinfam, « Irréflexions de Narcisse » . Il est difficile, en effet, d’autoriser ce « je » à parler, et de lui permettre simplement de dire la beauté du monde, quand l’idée même de poésie est l’objet d’un doute, et qu’une voix vous répète obstinément : « Elle n’a plus rien à dire ». (lire la suite...)

Ayres

par Jean-Charles Vegliante

"Ce petit livre de proses en forme de journal est passionnant parce qu’il est en quelque sorte la relation (victorieuse) d’un échec. Échec à dire une expérience de vie intérieure, de l’ordre du mysticisme si l’on veut, et échec à se sortir seul – sortir littéralement, dans la vie qui se dit réelle – d’une introspection touchant aux ressorts celés (et précisément inconscients) de cette expérience. À la suite, peut-on inférer, d’un grave deuil. L’auteur, affirmant d’emblée sa souffrance, surgie en lui comme « presque une larme », mais au plus près « Non, pas presque, mais UNE larme. Une pensée tournée vers elle-même comme un secret. (...)" Lire la suite...


Connaissance par les
                                  larmes

par Jean-Michel Maulpoix

Connaissance par les larmes : sous ce beau titre, Michèle Finck nous donne aux éditions Arfuyen un livre important qui explore lyriquement « la voie lactée des larmes » telle qu’elle coïncide avec la part sensible de l’écriture poétique. Musique, peinture, cinéma, architecture : les arts et les mythes, autant que les émotions vécues, entrent tour à tour en résonnance avec cette conscience sensible de la langue que l’on appelle poésie et qui cherche, interroge, se souvient, espère et souffre… Les œuvres ainsi font corps avec la vie, sa souffrance, son désir du large, son écoute silencieuse de la neige, son appel à autrui : cette quantité fébrile d’attente à tout jamais insatisfaite que nous pouvons appeler « soif », souvent pareille à une page blanche, où vient s’écrire la partition même de notre existence. Pour le dire autrement : Connaissance par les larmes est un livre-bilan qui rassemble et qui organise les morceaux d’un savoir venu fragmentairement, au plus près de ce que notre vie dispense d’émotions et construit de pensées dans la douleur même de se connaître périssable. (lire la suite...)


benoit
                                  Conort


par Jean-Michel Maulpoix

"Voici que la nuit descend : sur le poème, sur la mémoire, sur tout ce qu’il reste de vie… Elle descend comme l’obscurité noie peu à peu le jardin, ou elle remonte des mots et de leur vieille charge de sens, comme d’une enfance à présent lointaine mais dont les anciennes douleurs connaissent un regain de rigueur." (lire la suite...)



CE léger
                                  rien des choses


par Jean-Michel Maulpoix

"Comme pour apporter à son titre un démenti cinglant, Ce léger rien des choses qui ont fui confirme avec éclat cette évidence : la parole lyrique monte en puissance à proportion de la quantité d’ombre projetée par la mort sur nos attachements les plus vifs, au premier rang desquels vient se dresser l’Amour.

Car ce sont bien là les deux forces antagonistes qui font de part en part chanter l’écriture de ce nouveau livre d’Alain Duault, telles deux formes de l’affolement : angoisse et désir, terreur et plaisir, comme ténèbres et lumière…

Et ce sont alors, sur près de deux cents pages, non pas de « légers riens », mais les cris, les vitupérations, les suppliques, les murmures amoureux, les musiques, les coups de reins et les mouvements d’épaules du poème, bref toute l’étendue de la geste du lyrisme qui se donne à entendre et à lire, tandis que s’empoignent l’angoisse de mourir et la fièvre du désir. (lire la suite...)


la vie discontinue


par Jean-Michel Maulpoix

« On est là un peu par hasard », dit la première phrase ; mais n’hésitez pas, poussez la porte de ce livre : "La vie discontinue" de Jean-Marc Sourdillon, publié aux éditions « La part commune ». Chacun des huit textes qui le constituent fait partager l’ouverture d’un passage. En chacun se propagent l’écho d’un souvenir et la trace d’une brisure. Entre récit et poème, chacun donne à lire et à éprouver un vertige, mais d’une manière étrangement calme, sur le ton familier de la confidence. Il arrive ainsi que le récit poétique, tout profane qu’il soit, tienne de la parabole.(lire la suite...)


Le bruit de la langue


par Jean-Michel Maulpoix

"Un après-midi au zoo où les autruches côtoient les singes, un tableau accroché au mur, un bruit qui insiste dans le silence, un roi jaloux de la lumière, un voyageur qui traverse la campagne en fredonnant…, Le bruit de la langue de Gilles Mentré assemble proses et vers dans une suite de libres variations dont l’objet demeure improbable. Voici un livre qui entraîne son lecteur dans la singulière partie de cache-cache que la langue engage avec elle-même et avec le monde, dans l’écriture poétique." (lire la suite...)


Mallarmé

par Jean-Charles Vegliante

"Ce serait même la deuxième fois, après la belle version de Patrizia Valduga en 1991 (S. M. Poesie, sans notes, chez Mondadori), que Stéphane Mallarmé parle italien. Ou plus exactement écrit en italien. Cette fois avec d’abondants commentaires de Luca Bevilacqua (p. 265-360) et la traduction de Chetro De Carolis : S. M. Poesie, Venise, Marsilio “Classici francesi”, 2017, 368 p. (au premier abord, c’est plutôt de l’ancienne édition Feltrinelli, par Luciana Frezza, que cette dernière semblerait proche ; mais nous éviterons des comparaisons stériles" (Lire la suite)

France
                                  Burghelle-Rey

par Alain Duault

"France Burghelle-Rey a déjà derrière elle une œuvre conséquente publiée depuis une dizaine d’années au gré de revues et d’éditeurs de poésie – mais aussi via les réseaux sociaux, tant par son blog très fourni que par la publication régulière de poèmes sur facebook. Cette Petite anthologie est donc l’aboutissement d’un parcours d’écriture qui veut hausser la parole contre l’étouffement, contre la souffrance, toutes les souffrances qui bâillonnent. (...) Lire la suite


Vénus Khoury Ghata
par Alain Duault

"Quel beau livre offre Vénus Khoury-Ghata avec Les derniers jours de Mandelstam : à partir d’un récit traversé d’éclats, de bribes de poèmes, déroulé comme une dramaturgie funèbre, elle nous introduit dans l’intimité du grand poète russe Ossip Mandelstam qui va mourir à quarante-sept ans dans un camp stalinien, un lieu de passage entre deux goulags, environné de mots encore pour respirer, pour survivre. (lire la suite...)

écriture
par Quentin Biasiolo

"Au commencement il est vrai il y eut d'abord cette sorte de solitude fragile il y eut ton plus grand abandon au-dedans des minces foules. Et personne ne prit garde à cette figure anonyme au milieu des figures innombrables. Personne ne prit garde à ta mine basse – cette mine toute tournée en direction de tes intérieurs – le menton rentré cherchant quelque appui auprès de la poitrine cherchant une voie de subsistance quelque peu sûre. Le repos a-t-il doncson lieu au-dedans de soi (...)"

alain Duault
par Alain Duault

"En fait, je ne voulais pas t’écrire car je ne t’aime pas.
Pourtant, tout compte fait, il me semble que nous avons des choses à nous dire : nous avons depuis longtemps trop souvent cheminé de conserve pour feindre l’indifférence !
Tu te souviens, j’en suis sûr, de nos premières rencontres : c’était dans le bel enclos paroissial de Ploumiliau, en Bretagne. Tu étais, tu es toujours cette effigie de granit debout, rêve de pierre incarné, ton squelette vivant et ta faux à la main, prête sans doute à grimper dans ta charrette et à arpenter les chemins creux à la rencontre de… On t’appelait, on t’appelle l’Ankou."(...)
Lire la suite


Morillon

par Alain Duault

Note de lecture sur Poéclats (Caprice avec des ruines) de Martine Morillon-Carreau (Editinter, 2015)

Etrange livre, qui montre et se cache, qui fait semblant de jouer alors qu’il est dans le dévoilement intime, mais qui avoue au détour de quelques vers : « Le jeu était / – vain jeu de glaces avec / l’air tremblé de l’été – / un rêve un vertige ». Tout est dit.
Dans ce balcon en forêt (la forêt des mots bien sûr), Martine Morillon-Carreau semble jouer avec les infinis miroitements de l’œuvre de Julien Gracq et prétend ne livrer au lecteur que ce « caprice »… Mais le lecteur ne se laisse pas prendre à ce faux-semblant qui dit le vrai en semblant faux, en ne semblant qu’un jeu oulipien avec les traces écrites d’une œuvre aimée. Martine Morillon-Carreau ne nous leurre ni ne se leurre, ce leurre fût-il doux qui dit la douleur d’aimer et d’attendre la réponse. (Lire la suite...)

la visite
par Jacques Sicard

"Œuvre à visée posthume en ce que destinée à être projetée après le décès de son auteur entré en vieillesse, La Visite, ou Mémoires et Confessions, nourrit un projet anthume par le mouvement à rebours imprimé à la confession, par la marmoréenne frontalité photographique qui en est le pendant physique (et atténue le caractère indigeste de son contenu mystico-nationaliste), par le "Je m'éclipse" qu'Oliveira profère, initiant la rétroversion finale au noir (...)"

nature
« Juste de vie, juste de voix »
Éthique et joie dans la poésie de Philippe Jaccottet

par Quentin Biasiolo

"Pour Jaccottet,  la nature n'a rien d'un objet, elle n'a rien d'une chose à laquelle nous ferions face – et encore moins dans une position de domination. Bien au contraire, la nature est à penser selon la catégorie toute particulière du don. Elle est ainsi – à l'image, sinon d'une offrande, du moins d'un cadeau – ce qui s'offre à nous, et qu'il s'agit de comprendre(...)"


Jaccottet
par Ludivine Moulière

"Si la critique s’est attardée à de multiples reprises sur le rapport de Philippe Jaccottet au paysage, face riante de l’espace, l’expeérience de la spatialité elle-même n’a encore jamais été interrogée. Or, il existe, dans la poésie de Jaccottet, une face plus cachée et plus inquiétante de cette relation à l'é́tendue, qui transparaît notamment dans le dernier récit de rêve rapporté dans les carnets de la Semaison, et pour la première fois nommé non plus « rêve », comme à l’accoutumé, mais « Cauchemar » (...)" (Lire la suite)

Cemetery
par Jacques Sicard

"Dans les yeux d’Apichatpong Weerasethakul, l’homme-femme est un être spirituel. Rien d’autre. À l’intérieur de ses limites corporelles que réfléchissent les miroirs et que fixent les photographies comme autant de mensonges, rêves et cauchemars souverains se partagent un territoire d’âme non cartographié. Rêves et cauchemars de veille et de sommeil qui hors du temps s’étendent vite aux mesures d’un empire. Un fond d’indicible repos alimente l’énergie passionnelle nécessaire à leurs évanescentes formes épiques."(...) Lire la suite

Mario
                                  Benedetti
Poèmes. (Présentation et traduction de l'italien par Jean-Charles Vegliante).

"Le livre de poèmes de Mario Benedetti, paru en 2013 chez Mondadori, Nel silenzio del fiato, confirme la maîtrise et l’originalité de cette voix dans l’ensemble du monde littéraire italien. Une qualité rare de Benedetti est, dans le lyrisme comme dans la réflexion sur son propre arrière-pays poétique (Matériaux d’une identité, 2010), son refus du bavardage, sa discrétion : non pas solitaire mais toujours prête à la rencontre (ses textes sont parfois mis en musique), accueillante pour les plus jeunes, en un temps difficile où il vaut mieux multiplier les occasions de paraître et d’intervenir médiatiquement sur des sujets divers, bien en accord avec l’habileté éclectique de certains polygraphes de doxa pré- et post-berlusconienne (fort bien accueillis en France). (...) Lire la suite

Fernando
                                  Pessoa
par Arnaud Baignot

"S’inventer autre permet à Fernando Pessoa d’exorciser, de vivre, ou du moins d’exprimer, d’affirmer, toutes les virtualités d’êtres contradictoires et frustrés qui parlent en lui ; de se vivre lui-même comme un autre, pour se vivre tout entier ; mieux, pour se réaliser dans tous les sens du terme, car Pessoa est un poète en creux, à la recherche de lui-même."

(Nous proposons ici régulièrement de relire des textes publiés il y a quelques mois dans Le Nouveau recueil.)

Jacques Rivette
par Jacques Sicard.

"Ce qui compte dans ces films, c'est le son. Produit par la suite ininterrompue des plans-séquences, comme sans fin le noir s'ajoute à lui-même. Produit par le temps. À travers les dialogues et les décors, les situations, les répétitions en leurs variantes, le lacis des trajectoires, l'interchangeabilité des rôles, la distance des acteurs aux rôles, etc. "


(extrait)

Marina Skalova est responsable de la rédaction francophone de la revue suisse Viceversa Littérature, traductrice littéraire de l´allemand et du russe, et auteure. Après Amarres, un premier texte en prose, elle termine actuellement un recueil de poésie, en français et en allemand, dont des extraits sont parus dans l´anthologie germanophone Lyrik von Jetzt 3. Certains de ces textes ont été publiés dans les revues Remue.net, Libr. Critique, Ce qui reste, Créatures, Méninges, Recours au poème et Le capital des mots.

Laurent Grison est poète, essayiste et historien de l’art. Il travaille régulièrement avec des plasticiens et des musiciens. Il a récemment publié (depuis 2013) : Anacoluthe (Ed. Apeiron, 2015), Sol strié (Tardigradéditions, 2015) ; La langue de l’entrelacs et Vers l’hors-dans (Éd. Coco Téxèdre, 2015) ; Le Tombeau de Georges Perec (Ed. La Porte, 2015) ; Lumière si loinTerrefort (Ed. des Cent regards, 2014) ; La Pie funambule et PaysageInitiale convergence & Insaisissable (Éd. La Petite Fabrique, 2014) ; Robinson dans les villes (Ed. Atelier Baie, 2013) ; Vois des astres le détour (Lucie Ed., 2013).
(Ed. Transignum, 2015) ;


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dernière mise à jour le 31 mars 2019

Directeur de publication : Jean-Michel Maulpoix (www.maulpoix.net / courrier@maulpoix.net)